Martin, autiste, en immersion au lycée professionnel Diderot de Romilly-sur-Seine

Le lycée professionnel Diderot relance son partenariat avec le Verger-Fleuri. Objectif : accueillir des jeunes de l’IME-IMPro au sein des classes afin de valider leurs compétences professionnelles.

Seul sur son établi, sous le regard bienveillant du professeur, Martin, 16 ans, vérifie un vérin dans l’atelier de maintenance du lycée professionnel Diderot de Romilly-sur-Seine. Une scène classique à ceci près que Martin est autiste et suivi par l’IME (Institut médico-éducatif) du Verger-Fleuri de Maizières-la-Grande-Paroisse. Si, habituellement, il est collégien en Ulis à Langevin et suit plusieurs matières – comme l’anglais ou l’histoire – dans une classe de 3e, il vient aussi de passer trois après-midi en immersion dans une classe de seconde Bac Pro Maintenance des systèmes de production connectés (MSPC) au lycée professionnel. « Cette année, il va passer le brevet comme les autres élèves de 3e   », indique Catherine Bellanger, enseignante au Verger-Fleuri, en précisant que Martin est arrivé au Verger-Fleuri vers l’âge de 6 ans : «  Il a commencé jeune à l’Aliséa (section autiste d’une dizaine de places, NDLR) et puis il avait de telles compétences qu’on l’a sorti de l’Aliséa. » En parallèle de l’enseignement au Verger-Fleuri, Martin a donc rapidement suivi une scolarité en Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) à l’école Romain-Rolland, puis, aujourd’hui au collège et peut-être à l’avenir au lycée professionnel.

« On voudrait faire de la validation de compétences afin qu’ils puissent s’insérer plus facilement sur le marché du travail. »

Le partenariat entre le lycée professionnel et l’IME a été créé il y a une douzaine d’années. « Cela s’est arrêté pendant le Covid », précise Frédéric Bianic, coordinateur d’Ulis au LP. Une parenthèse qui s’est prolongée ensuite puisqu’il avait quitté l’établissement pendant un temps avant d’y revenir. « En accord avec les deux directions, Élisabeth Henry, pour le lycée, et Laurence Millard pour l’IME, on a décidé de relancer le partenariat. Là, on est sur de l’immersion mais on voudrait ensuite faire de la validation de compétences professionnelles pour des jeunes IMPro afin qu’ils puissent s’insérer plus facilement sur le marché du travail », indique-t-il.

Pour Martin, c’est justement le côté « connecté » de ce Bac Pro MSPC qui a poussé les professeurs vers ce choix : « Martin s’intéresse beaucoup à l’informatique. On s’était dit que cela pouvait l’intéresser et on ne s’était pas trompé. L’immersion servait aussi bien à tester notre projet que les réactions de Martin. »

Les mêmes interventions mécaniques que pour les Secondes

« On avait aussi des inquiétudes sur la façon dont les élèves de seconde allaient l’accueillir mais on s’était inquiété pour rien », s’enthousiasme également Catherine Bellanger. Sur une séance de deux heures, Martin a en effet besoin de faire des pauses. « De temps en temps, il va voir ce que les autres font et les autres lui expliquent sans souci, sans moquerie », confirme Frédéric Bianic : « On s’était donné trois séances pour faire le point. Ce qu’on va faire, mais le point est déjà très positif aussi bien du côté de Martin que de M. Pardon. »

Daniel Pardon, professeur, a demandé en effet à Martin de faire les mêmes travaux pratiques que pour les élèves de seconde, même s’il faut, bien sûr, être plus présent, l’accompagner et l’aider à recentrer son attention. « Je lui ai fait faire des interventions d’ordre mécanique très simples, de niveau seconde : des mesures, du démontage de moteur de vérin, de la recherche sur des systèmes de détection. Je n’ai pas changé d’un iota les activités pratiques. Je l’aide un peu plus pour le mettre en condition. J’ai essayé aussi de le sortir de sa zone de confort. Et cela a été, il a accepté tout le travail, même s’il faut toujours qu’il soit accompagné », témoigne le professeur.

« J’ai quand même été étonné du niveau d’attention qu’il pouvait avoir pendant deux heures, surtout dans cet environnement bruyant », constate aussi Frédéric Bianic.

Après avoir fait le point en interne et avec la famille, l’idée serait à présent d’inclure Martin dans la classe de seconde, peut-être une ou deux après-midi, « pour lui faire valider des connaissances ». Sachant que l’intéressé souhaiterait aussi faire des stages en restauration…

Sandra Roger

Journaliste Romilly-sur-Seine/Nogent-sur-Seine

Publié:6 février 2024

sroger@lest-eclair.fr